Voyage dans le monde d’après : l’appel de l’aventure

Préliminaire au voyage, la crise : sous un nœud, se cache un trésor

L’appel de l’aventure : la (r)évolution d’être soi et la transition intime , l’avènement d’une conscience individuelle et planétaire

Toute métamorphose démarre avec une crise, une prise de conscience et une résilience. Le sens étymologique de « crise », du grec ancien Krisis est chez Hippocrate un terme de sémiologie médicale : « décider », « faire un choix » du traitement du malade. Dans le film Matrix, lorsque Néo prend la pilule rouge, il fait le choix de découvrir la vérité, aidé par un mentor, Morpheus. « Si tu choisis la pilule bleue tout s’arrête, tu te réveilles dans ton lit et tu crois ce que bon te semble. Si tu prends la pilule rouge, tu restes aux Pays des Merveilles, et on descend avec Alice au fond du gouffre dans le terrier du lapin blanc. Souviens-toi que je ne t’offre que la vérité. Rien de plus. » dit Morpheus à Neo. Lorsqu’ Alice a fait le choix de suivre le lapin, elle décide d’écouter son instinct, sa petite flamme intérieure et de laisser libre court à sa curiosité d’enfant. Sa réponse positive à l’appel de l’aventure change à tout jamais son regard sur le monde. Commence alors une série de péripéties : elle tombe dans le terrier, boit une potion qui l’a rend petite afin de pouvoir emprunter la porte du lapin, s’aperçoit qu’elle est désormais trop petite pour atteindre la clef, avale ensuite un biscuit qui la fait devenir géante, pleure, ravale une potion qui la rend petite à nouveau, tombe dans le flacon miniature qui franchit la serrure dans les eaux de ses propres larmes… Le cas d’Alice et du récit du voyage du héros[5] nous rappelle que dans toute aventure vers des territoires inexplorés, les héros ont d’abord peur de l’inconnu, sont encouragés par des mentors, découvrent des mondes extraordinaires, subissent des épreuves, affrontent des dragons et « grandissent » en acceptant leur propre vulnérabilité, l’aide de personnes et d’indices trouvés sur le chemin.

 

Dans notre épopée, le déclic (notre pilule rouge) se produit d’abord grâce à un réveil face à des problèmes complexes et interconnectés : réchauffement climatique, dépendance au pétrole et pic pétrolier, dégoût du néolibéralisme, choc de la crise post-Leman brothers, dette publique et écologique, dégradation des sols, remise en question du vivant, épuisement des ressources, explosion du chômage et des inégalités, crimes contre la nature, déconnection entre la finance et l’économie réelle : toutes les conditions sont réunies pour l’épuisement de notre civilisation[6]. Nous vivons des multi-crises et pourtant elles nous offrent une formidable occasion de résilience et de réinvention. Comment alors, suivre le lapin blanc (notre voix intérieure ou notre coeur), retrouver du SENS et prendre « la potion magique » pour changer de monde ?

Les passeurs vers le nouveau monde : les « créateurs-contributeurs »,

Nous décidons de lâcher prise, apprenons à danser avec le chaos, reprenons notre destin en main et optons pour la résilience, préambule à notre voyage vers l’autre monde. En entreprenant l’aventure héroïque, nous sommes aidés par ceux qui nous ont précédés sur ce chemin.

Il existe un groupe d’individus dispersés partout dans la planète, sorte de « philosophes-faiseurs » du XXIème siècle, impulseurs de la (r)évolution éco-citoyenne[7].

Ces derniers ne sont pas que des penseurs [8]. Ils sont aussi des faiseurs et contribuent chacun avec leur talent, leur expertise et leur créativité à changer leur propre monde à travers des actions locales qui ont du sens et qui ont impact positif pour l’humain et l’environnement. Ces créateurs-contributeurs ou autres avant-gardistes représentent nos passeurs vers le monde de demain : ils sont nos mentors pour nous aider à effectuer cette transition et traverser le pont qui relie les deux mondes.

Ainsi, le premier territoire qu’ils nous invitent à découvrir pour être entamer notre périple vers le monde d’après est le Soi : notre monde intérieur. C’est le monde le plus complexe à métamorphoser. Nous ne pouvons pas prétendre changer de monde, si nous ne commençons pas par nous changer nous-même. Nous ne pouvons pas libérer la planète de sa dépendance aux énergies fossiles si nous ne nous libérons pas de nos propres addictions.

Dans cette première étape, il s’agit de s’attendre à de l’inattendu, de se détacher de nos attachements au monde d’hier, et de trouver sa voie. Nous découvrirons nos «supers pouvoirs» pour être apte à poursuivre le reste de l’aventure et comprendre tous les tenants et aboutissants de ce nouveau monde. On raconte que dans cette nouvelle société, nous aurions la liberté de choisir notre vie à travers la créativité, la quête de sens, la spiritualité laïque, la méditation, la persévérance de notre être, l’estime de soi, le plaisir d’être, la joie, la libération de nos égos, l’amour de l’Autre et de la vie… Cette étape de transition personnelle est de loin la plus dure, car on prend le risque de ne rentrer dans aucune case aux yeux du monde d’hier, de menacer l’ancien système de pensée et de croyances par notre liberté naissante. A travers cette étape, on entre dans une phase d’éveil à soi, et on repousse les limites ce que nous croyons être : nous réalisons que nous sommes uniques, inclassables, hors norme. Ce que nous faisons à l’échelle personnelle a un impact dans notre environnement proche, sur les autres, la planète ou le cosmos.

Transition vers le nouveau monde : initiation à un nouveau rapport au temps, aux autres, au travail et à l’argent

Le premier seuil passé, celui de la transition personnelle, nous sommes désormais aptes à poursuivre notre aventure vers le monde d’après. Avant d’atteindre notre objectif, certains rituels de passage s’imposent pour se délester des fausses croyances et autres mauvaises habitudes du monde d’hier. Il apparait la nécessité de se libérer et de ralentir  : c’est la culture slow[9]. On assiste à un retour du long terme et la prise en compte des générations futures. On expérimente une quête de sens, un besoin de vivre en accord avec la nature et selon ses biorythmes, de se réaliser personnellement, de s’investir dans la communauté et le collectif. Grâce à ce nouveau rapport au temps, nous expérimentons également un nouveau rapport aux autres, au travail, à l’argent, à l’économie. On apprend à ne plus avoir peur et ne plus perdre sa vie à la gagner. On développe nos affinités électives.

Nos mentors nous révèlent que dans le monde d’après, ce qui nous permet de vivre ne nous vient plus des fruits d’un emploi salarié, puisque tout un tas de nouvelles monnaies apparaissent : la confiance, nos talents, notre contribution positive à la société, le troc, l’humain (échange de temps à travers les services d’échange locaux), les monnaies locales, les crypto-monnaies, (voir chapitre sur la nouvelle abondance post-capitaliste). Grâce au temps libéré, à la création de richesses à partir de ce qui existe déjà (économie collaborative)[10] et à une redéfinition du travail nous vivons alors dans un contexte d’activités multiples: partager sa voiture électrique, sous-louer ou échanger son logement, cultiver dans le potager du voisin, créer sa micro-entreprise, fabriquer une chaise dans le Fab lab[11] du quartier (laboratoire de fabrication), échanger un cours d’anglais contre un cours de guitare. La robotisation et le revenu universel de base nous libèrent notre temps pour développer notre créativité. Nous sommes désormais mûrs pour explorer l’autonomie dans tous ses états, l’empuissantement citoyen et une nouvelle forme d’abondance, préparés à nous libérer de nos peurs et affronter (ou dialoguer avec) les dragons du monde d’hier. Bienvenue dans le monde d’après… Pour lire la suite, cliquez ici

[5] Le voyage du héros est un concept établi par Joseph Campbell dans son livre Le Héros aux mille et un visages

[6] (cf le livre Effondrements de Jared Diamond

[7] Ces prescripteurs de changement social s’appelaient à l’origine « les Créatifs culturels ». Mais cette expression venue des Etats-Unis –Cultural creatives– a été mal traduite. Il s’agit davantage de créateurs d’une nouvelle culture. Selon le sociologue Paul Ray et la psychologue Sherry Anderson, auteurs du livre: The Cultural Creatives : How 50 Million People Are Changing the World (Harmony Books, Octobre 2000) un vaste groupe d’individus n’attendent plus les politiques pour agir.

Plusieurs mouvements et associations existent de part le monde et rassemblent des culturels créatifs. La France et la Belgique organisent depuis le début des années 2000 des réflexions et rencontres sur le sujet. Parmi les initiatives pionnières en matière de réflexion sur ces sujets, l’enquête sur les créatifs culturels en France menée par Jean-Pierre Worms et en Belgique par Vincent Commenne, la prospective socioculturelle proposée par Carine Dartiguepeyrou, qui a donné lieu par la suite à un ouvrage sur les inspirations philosophiques de ces mouvements « La nouvelle avant-garde » qui met plutôt en avant la « communauté de valeurs et de quête, le fruit d’une intuition collective, qui rassemble des personnes de tous horizons autour d’un respect profond pour le vivant, de la conscience que nous ne connaissons qu’une part infime de l’univers. Plus une vision poétique du monde et un espoir dans la capacité humaine à évoluer ». Carine Dartiguepeyrou (sous la dir), Prospective d’un monde en mutation, L’Harmattan 2010 ainsi que La nouvelle avant-garde, vers un changement de culture, L’Harmattan, 2013.

 

[8] Jérôme Cohen, fondateur de la plateforme Engage a bien compris ce phénomène : il les appelle les créateurs-contributeurs. La plateforme Engage fait un trait d’union entre les penseurs et les faiseurs (les makers) et cristallise les actions de la société civile qui ont un impact pour a société positive.

 

[9] Changer le rapport au temps va devenir le grand défi du 21ème siècle. Pour les tenants du courant Slow, il ne s’agit pas seulement d’aller plus lentement, il est surtout question de rechercher le temps juste, de redonner du temps aux individus et de privilégier la qualité. Il devient presque inutile de raconter l’histoire de ce mouvement, impulsé à Rome par Carlo Petrini en 1986 avec le Slow Food pour empêcher la construction d’un Mac Donald. Inspirateur de tous les autres courants Slow, il prône le génie du local, le « kilomètre zéro », la qualité, l’art de vivre et une certaine idée de l’alimentation.

[10] Cf les recherches d’Anne-Sophie Novel, docteur en économie, journaliste et blogueuse, co-auteur de Vive la Co-révolution ! Pour une société collaborative, avec Stéphane Riot, 2012, éditions Alternatives et auteure de La vie share, mode d’emploi, 2013, éditions Alternatives

[11] Un fab Lab est un laboratoire de fabrication avec des imprimantes 3D et des découpeuses laser.