Welcome à l’Homme

Je l’ai rencontré quand j’avais neuf ans, un jour d’été. A l’aube de ses 18 ans, il a osé tout quitter en laissant juste une lettre à ses parents « leur demandant de ne pas le chercher » pour vivre son chemin d’artiste et faire un tour du monde avec comme seul bagage, sa gouaille, sa guitare et 500 francs en poche. Je me suis jurée qu’un jour, je suivrai sa route de libertaire. Paul-Henri est un des hommes les plus authentiques que je connaisse : il s’est libéré des carcans de la bourgeoisie, s’est émancipé de ce que la société attendait de lui pour oser vivre son aventure et écrire sa légende. Le fréquenter a été une initiation à liberté d’être soi. Lorsqu’il m’a demandé d’écrire la présentation de son nouvel album, il n’y avait rien de plus naturel et d’évident de raconter son univers que j’aime tant et que je partage. Côtoyer Paul-Henri, c’est se cogner à la vie, mettre les doigts dans la prise, ne pas se mentir, oser exister, rencontrer un adulte provocateur et impétueux et un enfant si tendre. Merci à toi, Paul-Henri, pour l’Homme que tu es, et Welcome au grand artiste et au génie qui t’habite.

Des racines et des ailes

« Comme un homme » qui s’engage, comme un homme qui aime autant qu’il râle, Paul-Henri est de parole(s), « de chair et de poussières » : un authentique. Comme un homme qui parle des autres Hommes. Auteur-compositeur-interprète, il incarne un vrai personnage, à l’image de ceux qu’ils croquent. « Je préfère me voir dans vos yeux » écrit-il dans son titre « A vous dirais-je » de son nouvel album « 7 jours pour convaincre ». Dans un monde où l’Homme semble disparaître au profit de« l’augmenté », sa musique et ses textes nous ramènent à nos racines humaines avec le mythe d’Adam et Eve qu’il revisite dans « Fragrance délit ».

Imprégnés de négritude et des valeurs universelles de la francophonie -la solidarité, la diversité culturelle, la démocratie, les droits de l’homme, le développement durable-, ses textes nous rappellent ce qui nous rend humains : Paul Henri chante les « oubliés », les « boat people », les « bons pour la casse », les « ordinaires », « les condamnés », « les trisomiques 21 » et « les cons damnés ». Ce vivant au milieu de mort-nés, réveille ses contemporains à coups de jeux de mots pimentés, d’assonances, d’allitérations, en leur ouvrant les yeux et le cœur.

Il crève l’abcès en mettant en lumière les « faux semblants », « les faux talents gagnants-gagnants », ceux qui tirent les ficelles et nous rappelle : « le monde s’enterre, tout le monde s’en fout ».

Toute la société et l’humanité qui la compose passe au crible de sa plume visionnaire et de son encre d’amour, d’humour, parfois teintée de colère : des vierges effarouchées, en passant par « elle » dont il est fou, sans oublier les connards -il y en a légion dans toutes les religions-, jusqu’à Elon Musk et Mark Zuckerberg « le dos tourné au ciel, qui brillent d’absence et d’intelligence artificielle ».

Car dans ce nouvel opus il est beaucoup question de rapport au temps, d’éphémère et d’éternité : « Attends Adam ne va pas trop vite ». Avec son écriture organique, charnelle et sensuelle, Paul-Henri dépeint une société qui exerce un droit de vie et de mort sur les corps qui tour à tour sont « couchés sur le sol enlacés sous l’auréole », « meurent au large de Lampedusa », « s’illuminent » à la Silicone Valley, sont « pétris de frics et d’autobronzant », ou « flétris de sable, d’eau et de sang ». Il nous ramène aussi à la terre et à notre humilité en osant changer de regard dans la peau d’un « trisomique 21 » qui « ne vit pas en vain » titre écrit par son complice-poète Jean-Marc Dubois.  « Pourquoi ne serais-je presque rien? Est-ce que toi aussi tu me trouves si hideux ? Eux trop nombreux, disent que je vis à l’étroit, qu’il me faudrait gravir les escaliers quatre à quatre. Ou bien encore tout comprendre cinq sur cinq. Pour autant ma vie n’est–elle qu’un long sursis, s’il faut déjà la jeter telle une vieille chaussette ? Certes, je suis isolé comme un esquimau inuit » (…). L’homme est homme car il est vulnérable donc, dixit le titre « obsolescence programmée » : « nous sommes faits de « faïence et de défaillances ».

 

Des ailes

Paul-Henri a des racines, et des ailes aussi. Après avoir mis en lumière ses ombres, il nous incite ainsi à s’émanciper de cette société marquée par les yatch people, de ceux qui épuisent la terre à crédit. Il trinque à la santé des trublions, promet de tout avouer, le cœur battant. Si les premières chansons de l’album sont ornées de « salons dorés », de « bas fonds solitaires », de « rafiots qui dégueulent », de « marées humaines, de marées sanglantes, de marées amènes », de « puits sans fonds », de « big data », les dernières invitent au paradis sur terre, aux délices d’amour, à « courir d’île en île » et « voguer d’aile en aile ».

« Renoncer à la cruelle loi du monde » et renouer avec le « futile » et les « idylles », avec un « parfum d’interdit », de « flagrant délice ». Paul Henri nous amène finalement au jardin d’Eden, excite nos cinq sens et s’amuse de ce monde où « les pulsions sont conditionnées par une pomme qui gravite ». Il revisite aussi des chansons comme « A vous dirais-je Maman », en l’adressant à celles qu’il appelle les provocatrices. Il leur avoue « ses tourments », « ses jeux, ses vices ». Bref tout au long de cet album notre corps prend conscience de lui même grâce à sa finitude, ses limites, ses plaisirs, notre esprit s’élève, et notre cœur palpite. Welcome et longue vie à notre humanité. Et « hop ! Que la lumière fût ».

Valérie Zoydo

 

 

 Biographie

 

Né à Paris dans un pays et une époque qui ne lui ressemblent pas, Paul Henri est à la recherche d’ailleurs. Il avoue dans ses textes vouloir parfois « voir au loin et que tout recommence ». De sa petite enfance en Afrique, il a gardé certains rythmes et certaines appétences. Bercé dans une éducation bourgeoise entre Le Raincy et Le Vésinet, on le prédestine à un avenir d’héritier de l’entreprise familiale Dron. C’est peu connaître le libertaire qui plus tard dans ses chansons opposera l’ordre aux vivants en alpaguant ceux qui veulent bien l’entendre : « Je suis vivant ! Vivant ! Vivez en bordel organisé ! »

« Pitre-solennel, mélancolique-enjoué, il rêve de Robin des bois et d’arc de triomphe musical ».

Envoyé en pension à Juilly à 16 ans, où il commence à écrire ses chansons, il part à l’aube de ses 18 ans en laissant juste une lettre, avec 500 francs en poche et sa guitare. Convaincu qu’il doit vivre ses propres expériences et surtout vivre de sa musique. La Guyane, le Brésil, New York, Montréal, il revient en France après un an de pérégrinations où il fait une école de jazz et les ateliers d’Alice Donat en 2002. Parmi les nombreux enseignements prodigués comme le chant l’expression scénique, il est choisi avec quelques autres élèves pour participer au master d’écriture animé par Claude Lemesle (l’été indien 1975). Quelques mois plus tard, il s’allie avec Erwan Laurent et Marlene Paindestre, avec qui il joue au théâtre de dix heures à Paris-Pigalle. Paul-Henri poursuit sa voie avec un univers éclectique en se tournant parfois en dérision « je chante en français so désuet, on fait jamais ce qu’il faut, so fiasco ».

Pitre-solennel, mélancolique-enjoué, il rêve de « Robin des bois » et d’ « arc de triomphe musical ». Ses chansons ont un goût intemporel, à l’image des Reggiani, Brassens, Barbara, Gainsbourg. Brillant et cancre, à l’image de ses chansons, Paul oscille entre sa sensibilité d’optimiste, son humour et son insolence, sa liberté et les carcans qu’il dénonce. Cet espiègle dont la colère s’exprime par une générosité sans borne et un cri pour la vie, est impétueux, un zeste ingérable. Il passe ensuite deux ans à se produire dans les bars et cabarets de la capitale Le réservoir, la Java, l’Etage, La guinguette Pirate, le Gibus, L’entrepôt puis devant le public de Georges Brassens en première partie du spectacle de Joël Favreau (Guitariste de G.B, il enregistra ses deux derniers albums).

10 Ter, un de ses titres phares, ressemble à la chanson Drouot de Barbara où il évoque les « songes secrets et blessants du premier amour », d’une « vieille dame en fin de parcours », « assise sur sa valise close, sur le macadam à son tour », un « Jeudi jour de débarras, d’abats-jours, de vieux matelas ». «  Sur le sol des babioles, flanquées de traviole, qu’on ne rafistolera plus (…) Le trottoir devient antiquaire, « et ce lampadaire qui éclaire ne manque pas d’air, et déchire et transperce et montre du doigt ».

En 2007 il remporte le pic D’argent à Tarbes pour la qualité de sa prestation puis l’année suivante le prix SACEM. Enfant de cœur en proie à quelques démons, Paul-Henri aime les Tohu-bohu. Il décide d’étoffer sa formation jazzy avec de la basse, de la batterie, du piano, une guitare et forme le groupe PH avec Erwan Laurent, Vianney Lambert, Victor Paillet et Nicolas Lanternier . En 2008 il fait la rencontre d’Alain Chamfort qui lui propose de faire sa première partie au théâtre de l’Alhambra haut lieu de la chanson française et enregistrent ensemble un titre.

En 2010, il quitte la France et renoue avec l’Afrique pour créer la filiale marocaine de la société familiale Dron. Il ne quitte pas pour autant la chanson et continue d’écrire et de composer pour sortir son dernier album, toujours accompagné de son acolyte Victor Paillet, désormais guitariste d’Oldelaf, et plus récemment Fabrice lemoine, le batteur d’Oldelaf également. Son univers, unique, s’apparente toujours à la nouvelle scène française, Arthur H, Benjamin Biolay, Babx, L, Matthieu Chedid, Etienne Daho.

V.Z