Petit Lexique de la gouvernance auto-organisée

Pour le philosophe Bernard Stiegler, la capacité à penser par soi-même propre au modèle contributif, est constitutive d’un meilleur fonctionnement démocratique. La société collaborative marque la fin d’une culture pyramidale et hiérarchique, et laisse place à la coopération, l’agilité et l’intelligence collective en société ou dans l’entreprise. Revue de détails des nouveaux modèles de gouvernance auto-organisée et participative.

 

La sociocratie : Il s’agit d’une gouvernance dynamique, qui promeut l’auto-organisation, la coresponsabilisation des acteurs et la stimulation de l’intelligence collective. Elle est fonctionne sur le principe l’approbation unanime, la responsabilité, la transparence et la souplesse. Elle vise l’efficacité à travers la collaboration active de tous ses membres et invite les organisations à fonctionner tel un organisme vivant. Le philosophe Auguste Comte considérait qu’il fallait « délivrer l’Occident d’une démocratie anarchique et d’une aristocratie rétrograde pour constituer autant que possible une vraie sociocratie qui fasse sagement concourir à la commune régénération de toutes les forces humaines ». Si le « demos » désigne un peuple de personnes qui n’ont pas nécessairement de lien entre elle, le « socios » est incarné par un ensemble de personnes qui partagent des relations significatives entre elles. Sous le système de gouvernance de la sociocratie, les élections se font sans candidats.

 

L’adhocratie : Le but de cette gouvernance est d’éviter que le pouvoir d’innover ne se concentre dans les mêmes mains. Elle mobilise -dans un contexte d’environnements instables et complexes- des compétences transversales et pluridisciplinaires. L’objectif : résoudre des problèmes précis, rechercher l’efficience en matière de gestion. Cette gouvernance s’oppose à la bureaucratie, car au lieu de fonctionner sur un mode pyramidal, elle fait travailler des « groupes projets » autonomes, au sein desquels les acteurs fonctionnent sur un mode d’ajustement mutuel. L’adhocratie, comme la sociocratie a un fonctionnement souple, comparé à celui de la nature. Elle est utilisée par plusieurs grandes firmes telles que la NASA, ou Motorola pour mener de grands projets.

 

L’holacratie : Étymologiquement, le terme « Holacratie » provient des mots grecs « Holos » qui désigne « une entité qui est à la fois un tout et une partie d’un tout » (exemple de holon : un atome ou une cellule vivante). Elle annonce la fin d’un modèle concurrentiel, et on dit d’elle qu’elle est le modèle d’organisation qui permet de répondre aux défis du 21ème siècle. Elle va même jusqu’à dépasser la sociocratie dans sa capacité à appréhender la complexité d’un système car elle s’appuie sur des méthodes coopératives qui permettent de faire émerger la capacité d’innovation et le potentiel collectif de l’organisation en la libérant des peurs et des ambitions des egos individuels. L’holacratie stimule la compétence et de la capacité d’innovation individuelle et collective de ses membres. Le management holacratique est dynamique et s’adapte aux changements internes et externes, il est transparent sur « qui décide quoi ». Son inventeur Brian Robertson, un consultant en Management, fondateur de  Holocracy one et auteur d’une intervention sur TedX intitulée « pourquoi supprimer les boss et distribuer le pouvoir » a ainsi inspiré l’entreprise Zappos – une filiale d’Amazon- pour mettre en place le « zéro management ». Le but : se concentrer sur les missions à  réaliser plus que sur les rôles et postes, promouvoir la responsabilité de chacun, et favoriser l’émergence de leaders capables d’identifier les tensions, distinguer les opportunités au sein de l’entreprise. Les équipes auto-organisées, dans une entreprise désormais agile, sont amenées à prendre elles-mêmes des décisions. Les intitulés de poste disparaissent, les salariés se voient assigner plusieurs rôles, chacun doté d’objectifs. Le plus souvent, ils appartiennent donc à plusieurs équipes.

 

La stigmergie : Le terme provient des mots grecs stigma « marque, signe » et ergon « travail, action ». Cette forme d’auto-organisation propose une gouvernance collaborative où les individus communiquent entre eux d’une façon indirecte. Elle dépasse les limites du modèle coopératif à qui l’on peut reprocher les discussions sur les discussions et la perte d’efficacité et dans la prise de décisions. Pour atteindre plus d’efficience, la stigmergie s’inspire des modèles des insectes sociaux. Ainsi les fourmis communiquent entre elles en déposant des phéromones derrière elles ; pour permettre aux autres fourmis de suivre la piste vers la nourriture, ou encore les termites qui utilisent des phéromones pour construire de grandes et complexes structures de terre à l’aide d’une simple règle décentralisée.

 

La démocratie liquide : A mi-chemin entre la démocratie directe et la démocratie représentative, elle est adoptée par les nouveaux mouvements politiques, comme le parti pirate ou le Parti X, né du mouvement des Indignés. Le principe est la co-décison à travers des agoras en ligne. La plupart ont recours au logiciel libre « Liquid Feedback » qui permet aux citoyens, organisations ou entreprises de prendre des décisions par référendum ou par vote. Mais ce système doit être surveillé de près pour ne pas céder à la dictature des membres actifs, c’est-à-dire de ceux qui se servent le plus de la plateforme.

 

V.Z